Константин Бальмонт и поэзия французского языка/Konstantin Balmont et la poésie de langue française, стр. 48
Из книги «В раздвинутой дали»
(Белград, 1929)
Обетование/La terre promise
Сомкни усталые ресницы,
 На то, что было, не смотри.
 Закрыв глаза, читай страницы,
 Что светят ярко там внутри.
 Из бездны ада мы бежали,
 И Море бьет о чуждый брег.
 Но заключили мы скрижали
 В недосягаемый ковчег.
 Храни нетронутость святыни,
 Которой перемены нет.
 И знай — от века и доныне
 Нам светит негасимый свет.
 Когда ж ягненок с волком рядом
 Пойдут одну зарю встречать.
 Вдруг разомкнётся нам над кладом
 Теперь сомкнутая печать.
 Ne regarde plus le passé,
 Clos tes yeux las, ô doux visage,
 Tu liras ainsi le message
 Sur ces ardents feuillets tracé.
 Fuyant un infernal abîme,
 Portés au rivage étranger,
 Notre table des lois nous mîmes
 Dans une arche, hors du danger…
 Et, la gardant toujours entière,
 Inaltérable désormais,
 Nous resterons dans sa lumière
 Dès à présent et pour jamais.
 Quand iront vers l'aube nouvelle
 Le loup avec l'angneau, alors
 Nous briserons le sceau qui cèle
 Jalousement notre trésor.
 Traduit par Katia Granoff
Приложение/Appendice [29]
Камыши/Les roseaux
À l'heure de minuit, en la touffeur des marais,
 À peine perceptibles, sans bruit frôlent-lent les roseaux.
 De quoi chuchottent-ils? De quoi parlent-ils?
 Pourquoi, parmi eux, de petits feux s'allument-ils?
 Ils étincellent, clignotent, — et ne sont plus…
 Et de nouveau scintille la lueur errante.
 À l'heure de minuit frôlent-lent les roseaux:
 Les crapeaux y nichent, les serpents y sifflent.
 Une Face moribonde frissonne dans le marais:
 Et c'est la Lune meurtrie, qui, tristement, s'affaissa.
 L'odeur de vase s'exhale, l'humidité rampe…
 La vase mouvante attirera, pressera, enlisera.
 — «Qui? Pourquoi?» — disent les roseaux.
 Pourquoi, parmi nous, s'allument les feux petits?
 Mais la Lune triste s'affaissa dans son silence.
 Elle ne sait pas. Elle descend, plus bas encore, sa face.
 Et répétant le soupir de l'être qui périt, —
 Avec angoisse, sans bruit, frôlent-lent les roseaux.
 Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Камыши/Les roseaux
Lorsqu'arrive minuit dans les marais déserts
 Les roseaux doucement soupirent dans les airs.
 Que disent les roseaux, pourquoi donc ces murmures?
 Pourquoi des feux follets brûlent dans leur verdure?
 Ces errantes clartés sur le miroir des eaux
 Se rallument ou bien s'éteignent de nouveau.
 Les roseaux de minuit s'inclinent et bruissent,
 Ils cachent des crapauds, de longs serpents y glissent.
 Le visage penché d'un livide croissant
 Se mire dans les eaux, tremblant, évanescent.
 Oh! l'odeur de la vase, étrangement sauvage,
 Il aspire, il étreint, l'attirant marécage…
 «Qui donc est-ce… Pourquoi? Demandent les roseaux,
 Pourquoi brûlent ainsi des flammes sur nos eaux?»
 Mais le croissant se tait tristement qui l'ignore,
 Et penche son profil plus bas, plus bas encore…
 Les roseaux chuchotant dans la nuit de saphir,
 D'une âme disparue évoquent les soupirs.
 Traduit par Katia Granoff
Тишина/Le calme
Les ambres d'un jaune clair tendre
 Luisent à peine au couchant.
 On sent un doux calme descendre;
 Les saules dorment se penchant.
 La silencieuse rivière
 Reflète les nuages blancs
 Et des cieux la douce lumière.
 Le sombre bois est sommeillant.
 Dans ce doux règne du silence
 Volent des rêves languissants;
 Et la nuit lentement avance,
 Les ombres fuient en pâlissant.
 Les étoiles brillantes jettent
 Dans l'onde leur douce lueur,
 Les yeux des anges s'y reflètent,
 Et du croissant l'éclat rêveur.
 Traduit par Olga Lanceray
Тишина/Le calme
A peine pâlissent du crepuscule tendre
 Les jaunes perles d'ambre.
 Partout, un calme caressant, —
 Les nénuphars dorment, et dorment les roseaux.
 La rivière assoupie
 Reflète les nuages,
 La tranquille, la pâle couleur des cieux, —
 La tranquille, la sombre, la dormeuse forêt.
 Dans ce royaume de calme
 Flottent de doux songes,
 La nuit respire, remplaçant le jour, —
 Et tarde l'ombre, qui s'allège et s'atténue.
 En ces eaux d'en-haut
 Se voit le pâle croissant de lune.
 Les étoiles versent la paisible lumière, —
 Les yeux des anges regardent.