Константин Бальмонт и поэзия французского языка/Konstantin Balmont et la poésie de langue française, стр. 38

En silence elle se tapit sous la terre.
Dans la pénombre, de là, elle voit, en rêve, la Lumière et le Ciel,
Et, douce, elle saura sourdre vers le Soleil,
Elle assolidera les cavernes sculptées en images de villes…
Elle s'est glacée, et sommeille au sommet du mont,
Et soudain, du meuglement d'une bête, tressaille!
Elle s'en est réveillée, et elle s'élance en avalanche, —
Et, en tourbillon, descend а rapidité de Malheur!
Insonore dans les puits, dans les lacs transparents,
Muette en les regards humides et caressants,
Mais qui, dans les cristaux de la neige recèle un bruissement
Et le bris sonore des glaces qui s'ouvrent!
Se muant en neiges, s'emprisonnant en la douceur du silence,
S'étendant en linceul immobile, et froid, et muet,
Et qui, en son tomber en lents flocons, prend de la lune verte le scintillement, —
Au chaud printemps l'Eau redevient préexistante.
Et elle joue en vague,
Et elle court, et elle chante, —
Et en éclats de blancheur
Se délivre la glace qui nage!
La crûe des eaux
Monte par les prairies:
Victorieusement, elle prendra tout,
Elle couvrira tous les rivages!
Combien est largement libre, le jeu
De la vague printanière par les champs!…
Mais, ils ont chuchoté: «Il est temps!»
Les songes qui s'en vont:
Et de la profondeur de la rivière
Les limites se sont réordonnées.
Toutes les fleurs s'allument…
Somptueuse est la fête du Printemps:
En lui sont tressés les rayons
Des sphères, — au plus loin!
Tout reprend son aspect éternel
Et dort le plat miroir du lac,
Et muet, est le lisse sommeil de la mare.
Chants de l'infini des Jouissances,
Chante la cascade immortelle…
Les sources coulent le long des pentes…

Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil

Земля/La terre

7

Земля научает глядеть — глубоко, глубоко.
Телесные дремлют глаза, незримое светится око.
Пугаясь, глядит
На тайну земную.
Земля между тем говорит: —
Ликуй — я ликую.
Гляди пред собой,
Есть голос в веселом сегодня, как голос есть в темном вчера.
Подпочва во впадине озера — глина, рухляк, перегной,
Но это поверхностный слой: —
Там дно, а над дном глубина, а над глубью волна за волной.
<…>
Слушай! Пора!
Будь — молодой!
Все на Земле — в переменах, слагай же черту за чертой.
Мысли сверкают,
Память жива,
Звучны слова.
Дни убегают, —
Есть острова.
Глубочайшие впадины синих морей
Неизменно вблизи островов залегают.
Будь душою своей —
Как они,
Те, что двойственность в слитность слагают.
Ночи и дни,
Мрак и огни.
Мысли сверкают,
Память жива.
Не позабудь острова.
В дикой пустыне, над пропастью вод,
Нежный оазис цветет и цветет.
Сном золотым
Нежит игра.
Нынче — как дым —
Станет вчера.
Духом святым,
Будь молодым.
Время! Скорее! Пора!
La Terre enseigne à regarder profondément, — profondément.
Les yeux corporels sommeillent. Brille et veille un œil invisible.
S'effrayant, il regarde
Le mystère terrestre.
Cependant que la Terre dit:
— «Sois allègre, — je suis dans l'allégresse!
Regarde devant toi:
Il est une voix dans le saltant aujourd'hui, ainsi qu'une voix dans l'obscur hier.
Dans le lit cave du lac, le sous sol est argile, marne, et terreau,
Mais ce n'est là que la couche première:
Là est le fond, et au-dessus de la profondeur la vague, après la vague.
Écoute! Il est temps.
Sois jeune!
Tout sur la Terre est changement, — trait par trait, ajoute-toi…
Brillent les pensées,
Et la mémoire est vivante,
Et sonores sont les mots.
Les jours s'en vont, —
Mais il est des îles!
Des mers bleues les plus grandes profondeurs,
Près des îles, invariablement, gisent.
Sois, par ton âme,
Comme tous ceux
Qui lient en unité la dualité,
Les nuits et les jours,
Les ténèbres et les feux.
Brillent les pensées,
Et la mémoire est vivante:
N'oublie pas les îles!…
En un désert sauvage, au-dessus de l'ensevelissement sourd des eaux,
Une douce oasis fleurit, et fleurit,
D'un songe d'or
Sa vie caresse!
L'Aujourd'hui, comme une fumée
Deviendra un Hier:
De l'esprit saint
Sois jeune!
Il est temps! Il est temps!…»

8

Слышу я, слышу твой голос, Земля молодая,
Слышно и видно мне все: я — как ты.
Слышу, как дышат ночные цветы,
Вижу, как травка дрожит, расцветая.
Только мне страшно какой-то внезапной в душе пустоты.
Что же мне в том, что возникнут черты?
То, что люблю я, бежит, пропадая.
Звучен твой голос, Земля молодая.
Ты многоцветна навек.
Вижу я цвет твой и тайные взоры.
Слышу я стройные струнные хоры,
Голос подземных и солнечных рек, —
Только мне страшно, что рвутся узоры,
Страшно, Земля, мне, ведь я Человек.
Что ж мне озера, и Море, и горы?
Вечно ли буду с одною мечтой!
Юноша страшен, когда он седой.